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L'armée suédoise de Gustave Adolphe à Charles XII (1611-1718)

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Au Grand siècle, le destin de la Suède fut exceptionnel. Petit pays peuplé d'à peine un million et demi d'habitants avec la Finlande, la Suède qui se trouvait quasiment en marge de l'Europe, devint, bien avant la Prusse, l'une des grandes puissances de la Baltique et la première force militaire de son temps. Son armée servit de modèle à tous les autres Etats Européens. Sa composition, son organisation et son esprit s'inscrivent dans la structure monarchique, domaniale, luthérienne de la Suède. Sa modernité, ce fut d'exprimer déjà l'effort d'un peuple entier et d'avoir été une armée nationale opposée aux troupes de mercenaires. Les raisons de sa force tinrent à la fois à une parfaite d'organisation et au développement d'une industrie minière.

I) l'argent, "nerf de la guerre"

La richesse de la Suède reposait en grande partie sur sa production de cuivre. Le chancelier Axel comte Oxenstierna (1583-1654), principal conseiller du roi Gustave II Adolphe affirmait en 1630: "Le cuivre est le plus noble produit crée par la couronne de Suède (...) c'est sur elle que repose une grande partie de la richesse de la monarchie". Il était extrait de la "Grande Montagne de cuivre" de Falun en Dalécarlie. La production était de 1400 tonnes en 1623. Pour financer les guerres, la production augmenta régulièrement ainsi que le nombre d'ouvriers (6000) et atteignit 3453 tonnes en 1655. Grâce à son cuivre, la Suède put fabriquer ses petits canons (à Nyköping) et -par exportation de 430 tonnes par an- obtint d'importantes rentrées d'argent. D'après C Nordmann "cette vente a seule permis le financement de la participation suédoise à la guerre".

A partir du milieu du XVIIe siècle, le fer commença à supplanter le cuivre qui était extrait du Bergslag en Dalécarlie. Le rendement annuel s'élevait en moyenne à 40.000 tonnes, soit 40% de la production mondiale de cette époque. L'Etat recevait sous forme de taxe un dixième de la production et il était interdit d'exporter du fer brut. Longtemps aidés par des techniciens Allemands, les Suèdois utilisèrent les services de Liègeois, considérés à cette époque comme de brillants métallurgistes. Le plus célèbre d'entre eux fut sans aucun doute Louis de Geer surnommé le "roi du fer". Obtenant la nationalité suèdoise en 1627, il devint le plus grand argentier de la couronne et fonda un véritable empire autour de Norrköping. L'acier produit était d'une qualité remarquable et contribua beaucoup aux succès des armes suèdoises sur les champs de bataille de L'Europe.

II) L'armée de Gustave IIAdolphe

Au Moyen-Age, l'armée suédoise était composée de paysans libres et de propriétaires terriens qui devaient un service obligatoire au roi en cas de guerre. L'armée permanente fut instaurée en 1544 à la Diète de Veteras car Gustave I Vasa (1523-1560) avait fait la triste expérience de l'emploi de lansquenets Allemands contre des paysans révoltés des forêts du Smäland. Ces mercenaires, payés à prix d'or s'étaient fait chasser de la province par les habitants qui n'avaient jamais combattu. L'assemblée Suédoise (Riksdag) accorda des subsides pour la levée par conscription (utskrivning), de milices. A ses débuts, le recrutement était volontaire puis vers 1560, il devint obligatoire. Ce système fournissait surtout une infanterie de paysans-citoyens parfaitement adaptée à la défense du pays mais n'ayant pas d'obligation pour servir en dehors des frontières.

Les hommes de 18 à 40 ans des communautés villageoises étaient inscrits dans un groupe, une circonscription militaire, la rote ou rota. Les commissions spéciales provinciales choisissaient un homme sur dix mais les tenanciers, métayers et serviteurs de la noblesse n'étaient pris qu'un sur vingt. En ce qui concerne la cavalerie, Gustave I Vasa, avait introduit dés 1526 le principe de l'obligation graduelle. Pour 400 marcs de revenus foncier héréditaire, le gentilhomme devait fournir et équiper six cavaliers. La noblesse résista à ce type de recrutement et en 1562, un cavalier était exigé pour 300 marcs de revenu de terres nobles et 200 marcs de terres nobles données par la couronne. Ce service d'ost (rusttjänst) ne connut pas beaucoup de succès, la noblesse préférant éviter de servir. La majeure partie de la cavalerie à cette époque était donc composée de mercenaires Allemands ou Ecossais.

Un problème essentiel restait en suspens: comment rémunérer ces soldats? Les premiers Vasa, Erik XIV (1560-1568), Jean III (1568-1592), Sigismond III (1592-1599) et Charles IX (1604-1611) commencèrent à attribuer des fermes du domaine royal aux soldats non-propriétaires. les officiers, les cavaliers, reçurent des territoires militaires pris sur les terres de la couronne. Seule la garde royale resta formée de mercenaires allemands puis suédois et servait de cadre d'instruction pour le reste de l'armée. De tous ces rois, Erik XIV fut le plus entreprenant puisqu'il créa (en s'inspirant de Végèce) des unités d'infanterie de milice (les cohortes fänikor de 525 hommes) qui combattaient en formation linéaire et étaient armées de la pique et qu'il réorganisa l'artillerie. Mais l'invasion Danoise et sa chute mirent un terme à ses réformes car son successeur, Jean III préférait utiliser des mercenaires Allemands ou Ecossais qui se révélèrent assez inefficaces.

En 1604, le roi Charles IX comprit très vite qu'il fallait moderniser et réformer l'armée. S'inspirant des méthodes hollandaises, il prit pour instructeur le comte Jean de Nassau qui disciplina et réorganisa les troupes royales. Mais les soldats n'étaient pas assez bien armés et ils se firent "rosser" par les Polonais à la bataille de Kirchholm en Septembre 1605. La marine dont nous reparlerons qu'était elle aussi dans un triste état: la guerre avec le Danemark lui avait coûté une quarantaine de bâtiments et il n'en restait plus que 60 au début du règne de Gustave II Adolphe.

Après la paix de Stolbova (1617) Gustave II Adolphe s'attacha à réorganiser la conscription. Il éleva de 50 à 60 ans la limite d'âge d'inscription sur les rôles, et bientôt supprima purement et simplement cette limite d'âge (1620). Le but n'était pas d'enrôler des personnes âgées mais d'augmenter le nombre de ceux qui devaient payer l'entretien d'un soldat: Tous les inscrits étaient répartis par groupes de dix (rotar), chacun était redevable d'un conscrit choisi en âge adéquat et dont la subsistance était assurée par contribution financière des neuf autres inscrits. les paysans levés de 15 à 18 ans devaient servir trente ans. On n'enrôlait pas les fils de veuves, les pasteurs, les ouvriers des industries minières d'armement, ni les criminels. La compagnie était de 150 hommes et quatre compagnies formaient un bataillon, trois bataillons formaient un régiment. Le nombre d'hommes par régiment était variable, certains avaient 12 compagnies (1.787 soldats), d'autres 11 (1.533). Les effectifs augmentèrent et se stabilisèrent aux alentours de 10.000 soldats (1620), 8.000 en 1626, 13.500 en 1627, 11.000 en 1628, 8.000 en 1629, 9.000 en 1630. La paysannerie devait supporter ce lourd fardeau pendant toute la guerre de Trente Ans. Le recrutement était effectué sous la responsabilité des pasteurs et du conseil de fabrique qui dressaient la liste des miliciables et devaient les présenter aux commissaires du roi et aux officiers subalternes. Les hommes étaient choisis en fonction de leur force et de leur taille qui à l'époque (à cause d'une alimentation insuffisante) n'excédait pas 1,60 m.

Le gros problème restait la cavalerie qui coûtait huit fois plus chère que l'infanterie ce qui explique son nombre relativement peu élevé: 200 en 1623, 250 en 1625, 375 en 1630. Pour augmenter les effectifs, Gustave Adolphe enrôla des mercenaires: 2.500 en 1620 et 8.000 en 1630. Malgré toute la prudence avec laquelle le "lion du Nord" procédait à la levée de milices (il faisait régulièrement approuver par les Etats les levées et les dépenses militaires) il ne put éviter des troubles et des soulèvements populaires. En 1613-1614, les soldats levés en Dalécarlie désertèrent en masse et revinrent de Finlande dans leurs foyers. Lorsque les autorités voulurent punir les déserteurs, des rixes éclatèrent en plusieurs endroits en Dalécarlie. En 1624, un certain Joh Stind avec des paysans et des soldats fomenta un soulèvement dans la province de Kalmar qui fut rapidement étouffé. En 1631-1632 des troubles éclatèrent à nouveau en Dalécarlie. Les mutins furent déportés comme colons en Ingrie.

L'armée fut dotée d'une charte de bonne conduite (les Articles de guerre de 1621 qui interdisait tous les blasphèmes, les jurons, le vol pendant les marches) alliée à une éthique luthérienne (les soldats suédois recevaient un livre de prière et allaient au combat en chantant des cantiques). L'armement se modernisa, l'arquebuse fut remplacée par le mousquet et la nouvelle tactique élaborée par Gustave Adolphe, fit merveille. Dans la cavalerie, seuls les cuirassiers gardèrent la cuirasse mais tous les dragons et les cuirassiers furent armés du sabre et de la carabine à rouet. Le roi introduisit le canon de bataillon en petites pièces de 4, en fer, susceptibles d'être traînées par deux hommes, chargée d'accompagner l'infanterie à l'attaque. Il augmenta le nombre de mousquetaires par compagnie (75 mousquetaires pour 59 piquiers en moyenne). Gustave II Adolphe avait constitué une troupe nationale d'une remarquable homogénéité qu'animait le patriotisme et la ferveur luthérienne. Dans chaque régiment on trouvait un aumônier, et le roi était entouré d'un Consistoire ecclésiastique dirigé par un grand aumônier. Mais dés le début de la guerre de Trente Ans cette armée n'était plus suédoise que de nom: en effet lorsque le roi des neiges débarqua sur la côte poméranienne en Juin 1630 son armée ne comptait que 13.000 soldats (2 régiments de cavalerie de Vestergötland et de Smäland et 4 régiments d'infanterie suédoise), un recrutement massif de mercenaires s'imposa dés 1630 (Allemands, Ecossais, Irlandais, Suisses). En 1632, sur 120.000 hommes, 12% seulement étaient des suédois et des Finlandais, soit environ 15.000 soldats. En 1634, le nombre de régiment de campagne avait été porté à 23 d'infanterie et 8 de cavalerie. Chaque régiment à pied devait compter 1200 hommes et les régiments de cavalerie environ 800 à 1.000 maîtres. La Finlande devait, d'après le règlement de 1642, fournir un tiers des forces du royaume.

Si l'industrie textile suédoise est encore incapable de fournir des uniformes aux troupes, l'industrie minière et métallurgique connaît un véritable essor. On parla même de "première révolution industrielle" en Suède à cette période. La mort du roi à Lützen à la tête de sa cavalerie le 16 Novembre 1632 ne changea pas immédiatement le sort des armes. L'armée avait des chefs très compétents comme Gustaf Horn comte de Bjömeborg (1592 - 1657), Johan Gustafsson Banér (1596 - 1641) le vainqueur de Chemnitz en 1639, Lennart Torstensson comte d'Ortola (1603 - 1651) le vainqueur de Breitenfeld en 1642, de Jüterbogk en 1644, de Jankow en 1645, Bernard de Saxe-Weimar (1604-1639), vaincu à Nördlingen en 1634 mais vainqueur au service de la France à Rheinfelden en 1638, Karl Gustaf von Wrangel (1613 - 1676) qui envahit la Bavière et le Wurtemberg avec Turenne. A partir de 1637, les effectifs de l'armée avait fondu comme neige au soleil et n'était plus que de 45.000 hommes dont 15.000 en garnison dans les zones côtières. La guerre danoise de 1643-1645 permit à Torstensson d'opérer une diversion au Holstein ou on pilla et enleva de très beaux chevaux avec lequel fut créé un corps de cavalerie.

Indépendamment de la mutation qualitative, l'augmentation des effectifs provoqua également l'augmentation des dépenses. Le soldat suédois recevait sa solde d'une manière assez régulière trois fois par mois (le 11, le 21 et le dernier jour du mois). Après la mort de Gustave Adolphe, les soldats n'étaient plus payés aussi régulièrement. La garde royale en 1652 n'avait pas touché sa solde depuis six mois et beaucoup de soldats avaient demandé un congé ou déserté. Avant 1630, la guerre ne coûtait pas 500.000 rixdalers par an. Une fois en Allemagne, elle allait coûter jusqu'à 30 millions par an. Heureusement pour les Suédois, ils reçurent des subsides de la part de la France (400.000 daler). La conquête des douanes prussiennes donna un appoint annuel de 600.000 daler. Mais Gustave Adolphe se rendit très vite compte qu'il devait appliquer le vieil adage "bellum se ipsum alet " (la guerre nourrie la guerre) car il n'avait pas d'autre solution "Si nous ne pouvons dire que la guerre nourrisse la guerre, je ne vois pas d'issue favorable à ce que nous avons commencé".

III) L'armée de Charles XI (1660 -1697)

Après l'abdication de la reine Christine en 1654 en faveur de son cousin Charles X Gustave (1654 - 1660), la situation économique du royaume suédois était trés préocupante. En 1653, un soulèvement paysan eut lieu à Närke et il fallut utiliser de la cavalerie et de l'artillerie pour venir à bout de cette révolte. Il fallait réformer le système de la conscription et s'attaquer aux problèmes des terres nobles. En 1656, Charles Gustave, qui ne voulait pas laisser ses soldats inactifs attaqua la Pologne (le but était de reconquérir la côte reliant la Poméranie à la Livonie suédoise) avec son armée de miliciens et de mercenaires scandinaves, allemands et polonais en tout 40.000 hommes. La discipline restait aussi dure qu'à l'époque de Gustave Adolphe mais le soldat qui ne recevait plus de solde devait vivre sur le pays. Les régiments allemands se distinguèrent en Pologne par le pillage, le viol et l'incendie, la profanation des églises aussi bien à la campagne que dans les villes. En 1658, la paix de Roskilde confirma les succès du roi sur le Danemark mais aussi les limites de l'expansion suédoise. En effet, la superficie imposante de cet empire exigeait une armée puissante que la Suède ne pouvait plus se payer. Charles X Gustave avait déjà commencé à réduire les effectifs, et son fils Charles XI continua: l'étendue des frontières à garder ne permettait plus à la Suède d'engager au-dehors que 15.000 soldats. L'échec de cette armée devant Brême était révélateur sur la faiblesse de ses effectifs. Le prestige de l'armée suédoise fut sévèrement entamé en 1675 lorsqu'elle fut complètement battu par l'électeur de Brandebourg, Frédéric-Guillaume. Les années qui suivirent ne furent guère réjouissantes: invasion danoise, soulèvement de la Scanie, perte des provinces baltiques. Tout révéla la fragilité, l'inachèvement de l'Empire suédois.

En 1679, après la paix de Lund, Charles XI décida de redresser la situation devenue catastrophique. Le premier souci du souverain fut de protéger la Suède de l'invasion étrangère. On plaça des garnisons permanentes de mercenaires aux têtes de pont baltiques et en Finlande. Ces troupes devaient arrêter l'ennemi attaquant par surprise. Une réserve stratégique était constituée par les milices qui viendraient le cas échéant combler les brèches. Un soin tout particulier fut apporté à l'étude des routes et des voies de communications qui permettraient aux troupes de se rendre plus rapidement vers un point menacé. une fois ses projets de défense réalisés, le roi s'attaqua à la haute noblesse afin de reconstituer les domaines nécessaires au cantonnement des milices. En 1682 toutes les terres et maisons de campagne qui logeaient les soldats furent restitués à la couronne. Les Etats n'avaient désormais plus le droit de consentir ou de refuser les levées de troupes. Le nouveau système ainsi créé, l'indelta, était une assignation de propriétés foncières, du domaine de l'Etat et privées, afin de payer et d'entretenir les fonctionnaires civils et militaires. L'indelningsverk (la répartition cantonale des milices) fut organisé sur une surface géographique beaucoup plus large qu'auparavant et d'une manière systématique. Sur proposition du roi les paysans, pouvaient être déchargés du poids de la conscription sous condition de payer les frais d'entretien permanent d'un milicien professionnel. A chaque fantassin on assigna soit une petite ferme (torp) ou une portion de rentes ou de taxes dues à l'Etat par un fermier de la Couronne. Le soldat-paysan recevait du fermier le logement, la nourriture, les vêtements et 100 dalers de cuivre par an. Si le paysan de la Couronne ne pouvait pas loger le soldat, il devait lui construire à ses frais une petite maison en bois avec des instruments aratoires, lui fournir le foin et lui céder une parcelle de terre à cultiver. Pendant les absences du soldat (une fois par mois pour l'exercice de la compagnie et quinze jours une fois par an pour le régiment) le fermier devait cultiver avec soin la terre du milicien. Ce système fut très lourd pour les paysans et beaucoup furent ruinés. Il y eut désormais des régiments de cavalerie provinciaux, levés et équipés aux frais de la paysannerie (rusthällare) qui en contrepartie était dispensée d'impôts. Le système de l'indelta dotait la Suède d'une armée permanente composée de petits agriculteurs et surtout très bon marché. Charles XI qui avait la réputation d'être avare ne visait qu'à assurer à son royaume une bonne armée capable de le défendre, loin de lui la pensée de mener des campagnes offensives qui videraient le trésor royal. A la fin de son règne, Charles XI avait une armée composée de 28 régiments de milice d'infanterie, chaque régiment comportant 8 compagnies formant 1.200 hommes et 15 régiments de dragons et cavalerie de milice. La garde royale à pied dans la capitale, l'escadron des trabans (les gardes du corps) et toute l'artillerie étaient recrutés par des mercenaires, en grande majorité suédois. En plus de ces troupes s'ajoutaient sept régiments d'infanterie, de cavalerie et de dragons en garnison dans les 90 châteaux et forteresses de l'Empire, en tout 60.000 soldats. Les forces navales furent réorganisées par l'amiral Wachtmeister, fondateur de la base et de l'arsenal de Kariskrona. On appliqua le système de l'indelta sur les côtes au bénéfice de la marine. La plupart des postes d'encadrement revenaient à la petite et moyenne noblesse, et les roturiers étaient nombreux dans l'artillerie et la marine: 40% des officiers de terre et de mer étaient des roturiers qui occupaient il est vrai des postes subalternes. A partir du règne de Charles XII, la naissance ne jouait plus un grand role dans l'armée et on récompensait plutôt le mérite et les compétences: Nils Hjelm, fils de forgeron, entra dans les trabans, devint colonel et fut anobli, Olof Boman, fils de serrurier finira sa carrière comme major-général.

IV) L'ARMEE DE CHARLES XII (1697 - 1718)

A la mort de Charles XI, son fils, Charles XII alors âgé de 15 ans, lui succéda. Les ennemis de la Suède virent là une belle occasion de démembrer son empire, et une coalition comprenant l'empire Russe de Pierre I, le Danemark de Frédéric IV et la Pologne -Saxe d'Auguste II se constitua. En Avril 1700, les Danois envahirent le Schleswig et Holstein, deux mois plus tard, les troupes polonaises attaquaient la ville de Riga et à la fin de l'année Pierre I pénétra en Livonie suédoise et assiégea la ville de Narva. En quelques mois, le jeune roi se révéla un brillant stratège et obligea les Danois à signer la paix de Travendhal (1700), écrasa les Russes à Narva (1700) et les Polonais sur la Duna (1701). Son armée comptait 67.112 hommes dont 36.676 fantassins, cavaliers, dragons territoriaux. Les provinces d'Ingrie, d'Estonie, de Livonie, de Poméranie, du duché de Brême furent fortement mises à contribution et durent fournir des chevaux des attelages, des grains et du fourrage. la tactique de l'armée suédoise avait changé.

A la tactique de l'ordre mince de Gustave Adolphe avait succédé celle de la colonne soutenu par la cavalerie qui chargeait. Désormais l'infanterie avançait protégée par le feu à la volée des deux derniers rangs, les premiers cherchant le choc à l'arme blanche. Charles XII qui combattait toujours au premier rang exigeait de ses subordonnés le même comportement et les colonels qui ne montraient pas l'exemple étaient punis de la dégradation. La Saxe servit de magasin pour la réfection des armées suédoises: on prit les vivres, les chevaux les tissus bleu et jaune pour les uniformes, les armes et les munitions.

L'armée principale qui se trouvait en Saxe comptait en 170 733.000 soldats. Pour l'offensive contre la Russie pétrovienne, Charles XII comptait sur un renfort baltique de 11.400 hommes du général comte Lewenhaupt (1659-1719) et sur une opération des 14.000 Finlandais de Lybecker. Il restait alors environ 22.000 hommes dans l'Empire baltique et 17.000 en Suède, ce qui représentait au total une armée de 100.000 hommes pour un empire peuplé d'environ trois millions d'âmes. C'est à partir de l'automne de 1707 que les ennuis commencèrent pour l'armée suédoise: manque d'approvisionnement, attaques de guérillas, dysenterie des 9.000 jeunes recrues récemment arrivées de Suède. Trop éloigné de ses bases et devant un ennemi qui pratiquait la tactique de la terre brulé, Charles XII va perdre la majeure partie de son armée et de ses chevaux. A Lesnaïa le 29 septembre 1708, le général Lewenhaupt est battu par l'armée russe, perd 7.000 chariots de vivres et de munitions et ne rejoint son souverain qu'avec 6.000 soldats. l'armée suédoise était épuisée encombrée de malades et de blessés, affamée lorsque la solution ukrainienne s'imposa à Charles XII. Il pensait que cette vaste région constituerait un grenier d'où il tirerait des blés, des fourrages et des haras pour reconstituer sa cavalerie et qu'il pourrait y lever des troupes auxiliaires comme les cosaques de Mazepa. Comble de malheur, l'hiver 1708-1709 qui dura sept mois fut terriblement rigoureux et fit périr des milliers d'hommes. Le 8 juillet 1709, Charles XII avec une armée réduite à 23.000 hommes et 4 pièces d'artillerie affronta le Tsar Pierre et ses 43.000 russes et 132 pièces. La défaite fut sans appel, Charles perdit 9.000 soldats et après la capitulation de Perevolotchona, 1.161 officiers et 13.138 sous-officiers. Pendant ce temps une armée russe s'emparait des provinces baltiques mais les milices suédoises repoussèrent une invasion danoise en Scanie à la bataille d'Helsingborg de Stenbock le 10 février 1710. Les armées russes s'emparèrent ensuite d'Helsinki en mars 1713 puis de la capitale (Äbo) de la Finlande. Charles XII qui s'était réfugié en Turquie demandait de plus en plus de soldats à son royaume mais les paysans fuyaient la conscription. Au début de 1714, il refusait toute négociation de paix et ordonnait la levée d'impôts accrus et l'envoi de 20.000 hommes de renfort en Poméranie. Dés son retour en Suède, Charles XII reconstitua son armée et fit fortifier les côtes. Mais les paysans s'enfuirent en très grand nombre dans la forêt pour éviter la conscription. Malgré toutes ces difficultés, Charles XII parvint à rassembler et à équiper 40.000 hommes.

A la fin du mois de janvier 1716, afin de riposter à une menace de débarquement russo-danoise, Charles XII franchit la frontière norvégienne et attaqua Christiania le 10 mars mais il dut se replier faute d'argent et de ravitaillement. En 1718, une nouvelle armée fut reconstituée (6% seulement des soldats avaient au-dessus de 40 ans, 17.7% moins de 21 ans dont la moitié moins de 20 ans) avec laquelle Charles XII attaqua la Norvège. Mais comme en Ukraine, le refus des villes d'ouvrir leurs portes aux Suédois, leur mise en défense, la résistance des paysans l'obligea à la guerre de siège pour s'emparer de points d'appui. Militaire de génie, Charles XII, avait créé en 1718 des brigades opérationnelles de deux ou trois régiments (indelningar) et même des divisions (tilldelningar), qui rassemblaient infanterie et cavalerie mais elles n'étaient pas adaptées à la guérilla norvégienne ou à une guerre de siège. Pour vaincre la Norvège, il entreprit donc le siège de Frederiksten au Sud et de Trondhjem au Nord mais la supériorité navale des Danois empêcha les Suèdois de prendre ces villes. Charles XII fut tué dans des circonstances douteuses au siège de Frederiksten le 11 décembre 1718 et sa mort marque la fin de la prépondérance suèdoise dans la Baltique et de grande puissance nordique.