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Le sentiment de peur chez les Spartiates

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Les Spartiates étaient les soldats les plus résistants, les plus combatifs et surtout les plus courageux de tous les peuples, car ils donnèrent au monde des exemples d'une incroyable intrépidité, l'un des épisodes les plus connu fut sans aucun doute celui des Thermopyles ou le roi Léonidas I (487-480 av-J.C) qui régnait obscurément depuis 7 ans, reçut l'ordre des éphores d'aller défendre le défilé et se sacrifia avec 300 de ses compatriotes afin de retarder l'armée du roi perse Xerxès qui envahissait la Grèce.

Les Spartiates étaient les soldats les plus résistants, les plus combatifs et surtout les plus courageux de tous les peuples, car ils donnèrent au monde des exemples d'une incroyable intrépidité, l'un des épisodes les plus connu fut sans aucun doute celui des Thermopyles ou le roi Léonidas I (487-480 av-J.C) qui régnait obscurément depuis 7 ans, reçut l'ordre des éphores d'aller défendre le défilé et se sacrifia avec 300 de ses compatriotes afin de retarder l'armée du roi perse Xerxès qui envahissait la Grèce. Mais un aspect beaucoup moins reluisant de leur caractère n'a pas assez été étudié, celui qui les décrit comme un peuple rempli de crainte, se défiant de sa propre force et prompt à s'effondrer dans l'adversité. Les historiens allemands du début du XXe siècle ont idéalisé Sparte qui à leurs yeux représentait un modèle de civisme et de discipline. Un historien anglo-saxon, Preston H. Epps a étudier cet aspect étrange de leur caractère dans un article qui s'intitule "Fear in Spartan character" (revue Classical Philology, XVIII, 12) et ou il explique qu'en fait tout le système du dressage du citoyen spartiate n'avait qu'un seul but: permettre à un peuple naturellement timoré de surmonter ses faiblesses en face du danger et de la mort grâce à une discipline de fer. Il écrit notamment: "Il est caractéristique des peuples timorés de se défier d'eux-mêmes et d'avoir d'autant plus confiance en quelque chose d'extérieur sciences, système ou panacée dont le mécanisme doit leur apporter inévitablement le salut. La perspective d'ennemis puissants les incline à se soumettre à un système militaire, et plus grande est leur peur, plus ils inclineront à s'y soumettre, même au prix d'exigences incroyablement dures. De plus, un tel peuple est capable de confiance tant que le système fonctionne bien, mais qu'un événement inattendu surgisse, leur peur innée reprend le dessus avec une intensité accrue."

Tout au long de leur histoire, les Spartiates eurent des accès de peur aussi bien en temps de paix qu'en temps de guerre et le plus spectaculaire fut l'épisode de la bataille de Platée en 479 av-J.C ou les troupes de Sparte ayant devant eux les Perses insistèrent pour changer de place avec les Athéniens qui les avaient déjà combattu à Marathon 11 années plus tôt alors qu'eux-mêmes avaient peur d'affronter un ennemi qu'ils rencontraient pour la première fois. (Hérodote, IX, 46.)

L'historien Hérodote originaire d'Halicarnasse en Asie Mineure, était un fervent admirateur d'Athènes et son histoire peut sembler grotesque mais il vanta également les mérites des Spartiates en écrivant : " Chez les Grecs, les Tégéates et les Athéniens se comportèrent avec courage ; mais les Lacédémoniens les surpassèrent en valeur…aux prises avec l'élite des ennemis, ils en triomphèrent. " C'est pourquoi l'on ne peut pas l'accuser d'être partial. Il faut peut être chercher ailleurs la raison pour laquelle les Spartiates voulurent changer de place. En bons soldats, ils pensaient sans doute que les Athéniens qui avaient déjà vaincu les Perses pourraient renouveler leur exploit. On peut aussi s'interroger sur l'utilité de changer de place car dans une bataille rangée comme celle de Platées, les Spartiates auraient été amenés tôt ou tard à combattre les troupes perses. Certains historiens ont également affirmé que dès qu'ils devenaient nerveux et ne songeaient plus qu'à déguerpir, ainsi après Platée (Hérodote IX, 77 et Thucydide I, 89) ils regagnent leur pays. A notre avis, la peur n'avait rien à voir là dedans, car il y avait à Sparte près de 200.000 hilotes qui comme l'écrit l'historien Pierre Roussel dans son livre Sparte : " …n'étaient pas des esclaves (…) et on verra plutôt en eux de préférence des tenanciers attachés à la glèbe. ", mais même si on les employait comme troupes légères, on redoutait d'encourager leur valeur car " si on leur lâchait la bride, ils devenaient insolents et réclamaient des droits égaux à ceux des maîtres ; si on les tenait rudement, c'était des complots et des haines. " Voilà sans doute la raison principale qui empêchait les Spartiates de demeurer trop longtemps hors du Péloponnèse.

Toutefois si on rejette dans ce cas précis le phénomène de peur, il n'en demeure pas moins vrai que ce sentiment provoqua leur effondrement moral après la défaite de Leuctres en 371 av-J.C. Lorsque le général thébain Epaminondas menaça d'attaquer leur cité, des Spartiates " collaborèrent " avec lui car ils étaient effrayés par les représailles que l'ennemi pouvait exercer à leur encontre. En fait, dès que leurs plans ne se déroulaient pas comme prévu, ils étaient saisis de panique, leurs esprits obstinés manquaient de souplesse pour s'adapter à des conditions nouvelles que le règlement et l'éducation spartiate n'avaient pas envisagé. Il existait, aussi étrange que cela puisse paraître un temple de la peur à Sparte à côté du Syssition des éphores car comme l'écrivait Plutarque (Vie de Cléomène, IX) " Ils vénèrent la peur non pas comme une force surnaturelle qu'ils redoutent pour sa malignité, mais parce qu'ils pensent que leur régime est maintenu principalement par elle. Les anciens, je pense, n'imaginaient pas la bravoure comme l'absence totale de peur, mais comme la peur prudente du blâme et de l'infamie(…)".

Sans aller comme Epps jusqu'à conclure que les Spartiates étaient des individus timorés, il faut toutefois reconnaître que certains exemples sont troublants. Le système militaire de Sparte n'a toujours tendu que vers un seul but : les exercices toujours recommencés, la subordination à l'officier, l'exigence d'une discipline sans condition, la fusion de l'individu dans l'ensemble, tout cela était calculé afin de créer une habitude d'esprit capable de résister aux dangers. L'instinct de fuite ne peut être vaincu que par une longue pratique de la discipline à laquelle s'ajoute la gloire et la lâcheté qui est ignominieuse et déshonorante. Le soldat spartiate avait plus peur du déshonneur qui retomberait sur lui ou sa famille que de la mort au combat. Enfin on peut se poser la question essentielle ; si les Spartiates étaient un peuple peureux quel était celui dans ce cas, qui pouvait se considérer comme courageux?